13 mai 2019
Yves Le Ven a créé une œuvre musicale, nommée Nevezadur, qui reprend des poèmes d'Anjela Duval. L'ensemble Kanerien Sant Meryn chantera ces textes lors d'un concert à la cathédrale de Quimper (29).Une petite foule se forme peu à peu dans la salle communale de Plomelin (29). Elle est rapidement rejointe par des musiciens, sortant de leur étui violon, harpe, flûte traversière. Ces femmes et hommes composent l'ensemble choral Kanerien Sant Meryn, qui entonne des textes en langue bretonne. Sous la direction de Jean-Yves Le Ven, les voix s'éclaircissent pour se préparer à la répétition générale. En cette fin de journée, ce sont des poèmes d'Anjela Duval qui seront récités en musique.
La poétesse cultivatrice
Anjela Duval est née à Vieux-Marché (22). Cultivatrice sur la ferme familiale, elle prend la plume pour y coucher des textes relatant son quotidien, de vie rurale. C'est en lisant Oberenn Glok, recueil reprenant l'intégralité des poèmes de l'agricultrice, que Jean-Yves Le Ven s'est lancé dans la création d'un répertoire de chants. « Même si des rues portent le nom d'Anjela Duval, c'est une personne méconnue. Je souhaitais vulgariser ses poésies confinées ». Une vingtaine de textes sont alors harmonisés pour les quatre pupitres sopranes, altis, ténors et basses, qui chantent la ruralité.
Un thème commun se dégage de cette lecture, et Jean-Yves le Ven décide que sa création abordera les sujets de la nature, au fil des saisons. « C'était une dame espiègle, qui avait un sens de l'observation et une façon très fine de décrire la nature », commente-t-il. L'œuvre se nommera Nevezadur (le renouveau), et illustrera le passage de l'hiver au printemps, tout en évoquant le cycle entier des saisons.
De la neige en juin
Les croches, les noires et les blanches viennent rythmer les poèmes, de façon à retranscrire des émotions. Sur un texte évoquant la neige de juin, en rapport avec les saules qui lâchent leurs chatons, le directeur de chorale a choisi « une fugue, qui tourne entre les pupitres pour faire voler ces chatons ». Et les thèmes ne manquent pas, avec un orage éclatant, le coucou du printemps ou encore le chant des animaux : dans Kan ar Skrilhed, la poétesse avait déjà écrit les onomatopées décrivant la mélodie des grillons. Le poème coule, devient fluide, « cri-cri » reprennent ensemble les choristes. Les poèmes sont déjà musicaux, « je souligne cette musicalité », fait observer Jean-Yves Le Ven. Le chef de chœur a souhaité dans sa création rester fidèle aux textes poétiques, par respect. « Je n'ai rajouté aucun mot. Il faut aussi que les chants soient facilement compréhensibles pour les auditeurs ».
Dans un de ses textes, Anjela Duval emmène le lecteur dans une clairière, en foulant un tapis de mousse, pour enfin s'adresser aux arbres. Là, c'est un corbeau qui attend que le champ soit ensemencé pour aller y picorer les graines. « Elle composait avec pas grand-chose, les thèmes étaient ténus ».
Jean-Yves Le Ven dirige la chorale Kanerien Sant Meryn, qui compte une soixantaine de choristes.
Le chant dans le cœur
Une soixantaine de choristes de la région de Quimper (29) composent Kanerien Sant Meryn. Cette chorale s'est formée en 1983, suite à un jumelage avec une petite ville du Pays de Galles. « J'adore chanter, tout comme la culture bretonne », confie Christiane Scuiller, une des pionnières de l'ensemble choral. « Je souhaitais parler et utiliser la langue bretonne », ajoute Léna Le Gac, autre choriste, avec la volonté de « changer le côté paroissial d'une chorale classique ». Et la formation fonctionne, la prestation Nevezadur, qui met en musique 20 poèmes d'Anjela Duval, a permis de recevoir le prix de la Création en 2016 ainsi que le titre de Champion de Bretagne en 2017.
Le chien comprend le breton
Lors de cette répétition, Sylvie Salmon, chef de projet pour l'association Mignoned Anjela, tend une oreille attentive. Cette association s'intéresse à tout ce qui tourne autour de la poétesse. « Elle était très en avance sur son temps, aussi bien au niveau de l'environnement ou de l'économie. Le film d'André Voisin l'a fait connaître, des milliers de personnes sont venues la voir à la ferme, à Traoñ an Dour. Elle a toujours accueilli ces gens ». L'artiste Gilles Servat venait aider la paysanne dans sa ferme, en contrepartie d'un apprentissage du breton. Quand une personne disait à la poétesse qu'il comprenait le breton sans le parler, elle répondait « comme mon chien ».
Le poème, une fois lu ou entendu, tourne dans la tête de celui qui l'a reçu. Les textes d'Anjela Duval font partie de ce patrimoine culturel ineffaçable. Les voix de Kanerien Sant Meryn ajoutent avec cette création originale une mise en lumière de la poétesse, pour qui les choses simples des campagnes sont un spectacle à portée de tous.
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